Dis-moi Sylvie, j’ai toujours entendu dire qu’un CP savait lire à Noël … c’est bien vrai pour le fils de mes voisins mais ce n’est pas le cas pour mon enfant !
Que dois-je en penser ?

L’enfant qui n’existe pas sait marcher à 18 mois, parle comme toi et moi à 24, est propre à 28 et bien évidemment sait lire au CP à Noël… Quand on parle de développement aussi bien que lorsqu’on évoque l’apprentissage, on cherche à avoir des repères, c’est rassurant certes mais pour un enfant particulier, un vrai et bien vivant, cela ne vaut pas grand-chose !

Apprendre à lire au cycle II : CP, CE1, CE2
« Au terme des trois années qui constituent désormais ce cycle, les élèves doivent avoir acquis une première autonomie dans la lecture de textes variés, adaptés à leur âge . »
J’ai beau lire et relire les programmes et instructions officielles du ministère de l’éducation nationale, je ne vois aucune injonction concernant l’objectif d’avoir des enfants lecteurs à Noël. Bien au contraire, on préconise de consacrer les trois premières années de l’école primaire à l’apprentissage de la lecture … pas seulement les trois premiers mois ! Alors, lire à Noël ? On ne doit pas parler de la même chose !

Lire … que veut-on dire ?
Trouver la définition de LIRE n’est pas chose si aisée :

« Reconnaître les signes graphiques d’une langue, former mentalement ou à voix haute les sons que ces signes ou leurs combinaisons représentent et leur associer un sens » (Larousse) 

Un peu trop sec à mon goût !

« Lire c’est voyager, voyager c’est lire » (V. Hugo)

Euh… trop lyrique ?

« Lecture chipée, le soir au dortoir, avec la lampe électrique allumée sous les couvertures » (Pennac)

Peut-être trop perso ?

J’aime beaucoup celle-là :

« Lire c’est tenter de fabriquer de l’intime avec du conventionnel » (A.Bentolila)

Ou bien encore la plus courte mais pas la moindre :

« Lire c’est comprendre » (G. Chauveau)

Somme toute, il semblerait tout de même que pour lire, en plus de la reconnaissance des signes graphiques, il faille une juste compréhension, et que « cette interprétation soit éminemment personnelle mais en même temps scrupuleusement respectueuse des directives de l’Autre ». (A.Bentolila)
En pédagogie, on a coutume de s’appuyer sur cette formule ancienne (Gough et Tunmer, 1986) mais qui reste un modèle simple pour définir la lecture.
Lire c’est comprendre ce qui est écrit et comprendre est le produit de deux habiletés : la reconnaissance des mots écrits et la compréhension du langage,
R = D x LC (Reading = Decodage x Linguisitic Comprehension)

Alors ? Et le fils du voisin ?
Il semblerait donc que lorsqu’on évoque les compétences remarquables du-fils-du-voisin-qui-lui-sait-lire-à-Noël, on parle de l’identification des mots écrits et non pas d’une compétence qui se travaille tout au long de la vie, c’est-à-dire la compréhension.
Pourtant, il n’en est pas moins vrai, que certains enfants parviennent à déchiffrer plus rapidement que d’autres.
Sous la direction de Roland Goigoux, une étude de grande ampleur a été menée de 2013 à 2015 dans l’idée d’évaluer l’effet des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur les apprentissages des élèves de cours préparatoire.
Voilà qui pourrait peut-être expliquer, pour partie, les agaçantes compétences de ton petit voisin !

Y a de la triche côté enfant !
« A l’entrée du CP, 1 élève sur 2 a compris le principe alphabétique ». Et voilà ! Si le petit voisin a déjà compris le secret de fabrique de notre langue écrite en arrivant à la grande école, on comprend mieux ! « A l’entrée du CP, 10 % des élèves savent quasiment déchiffrer. »

Et de la triche aussi côté enseignant !
En moyenne, au CP, l’étude du code au sens large (encodage + décodage) occupe plus de 2h30 par semaine. Les différences inter-classes sont toutefois très importantes puisque les 25 % des enseignants qui y consacrent le plus de temps en font deux fois plus que les 25 % qui y passent le moins de temps. Or l’allongement du temps consacré à ce travail a un effet positif sur les performances des élèves et notamment pour les élèves les plus faibles.
En outre, l’étude montre qu’un tempo rapide de l’étude des correspondances grapho-phonémiques (14/15 pendant les 9 premières semaines), est bénéfique pour l’apprentissage. La science vient là titiller l’expérience : bien souvent les enseignants pensent qu’il n’est pas bon d’aller trop vite !
Et pour finir, les activités d’écriture (encodage de mots) et de lecture à voix haute sont également des activités qui favorisent la réussite.
Chaque enfant est différent et chaque enseignant tout autant : pour ce qui est du fils du voisin, tant mieux pour lui, mais pour le tien, qu’il ait découvert le principe alphabétique de notre langue écrite à Noël, c’est cadeau !

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